En attendant le bonheur (Heremakonon)
Maryse Condé
Roman
Dès ce premier roman, Maryse Condé se révèle grande conteuse de l’Afrique et des Antilles, romancière de l’épopée et du mythe. Écrit il y a treize ans, Heremakhonon (expression malinké signifiant “Attends le bonheur”) n’a rien de militant et se trouve en complet décalage avec
l’idéologie de l’époque. Lucide, cynique, d’un désenchantement peu commun au beau milieu des années soixante dix. Précurseur. Il fallait oser écrire: “J’ai cherché mon salut parmi les assassins”, s’agissant de la quête d’identité d’une Guadeloupéenne en Afrique ! Véronica, la narratrice “partie sur la crête de la négritude, à l’appel de ses héraults pour découvrir selon ses propres termes, “ce qu’il y avait avant”, c’est-à-dire le passé africain”, s’aperçoit que le passé ne sert de rien quand le présent a nom malnutrition, dictature, bourgeoisies corrompues et parasitaires. Ses démêlés sentimentaux avec son “Nègre avec aïeux” matérialisent la distance aujourd’hui mesurée
entre l’Afrique et ce qu’il est convenu d’appeler sa diaspora et éclairent l’absurdité qui consiste, en plein XX° siècle, à parler du “monde noir”.
Il fallait de l’audace et un sacré talent, de la rage et de l’indignation aussi pour gagner le pari d’un tel premier livre. Maryse Condé passe l’épreuve avec une force bouleversante.