Une journée au point d’ombre
Anne Bragance
Roman
Ce matin de rentrée scolaire, Laura Stocklin se réveille tard, trop tard pour conduire Guillaume et Bénédicte au collège. Elle appelle un taxi dans lequel les enfants s’engouffrent et le regarde s’éloigner. Pendant ce temps, Thomas Ferréol écrit une lettre difficile à son fils aîné qui vit en Amérique. Pendant ce temps, Irène Lunaut téléphone à des inconnus. L’amour de son mari, le beau linge, le vison n’y font rien : depuis qu’on lui a coupé les seins, elle est un peu braque.
Le taxi roule toujours, dépasse le collège, sort de la ville. Les enfants pleurnichent, le chauffeur leur ordonne de se taire. Pendant ce temps, cloué dans son lit, Lou Stocklin, l’homme au cœur trop grand, trop usé, songe aux femmes qu’il a aimées.
Le taxi s’éloigne encore, bientôt il atteindra la maison au bord du lac. Les enfants, terrifiés, ont cessé de crier. Pendant ce temps, Suzanne, la vieille clocharde, somnole devant le collège, adossée à son Caddie. Le temps s’écoule, il trame d’obscurs desseins, il brasse les destins, il bouscule la banalité du quotidien. Mais Suzanne, Irène, Thomas, Laura et les autres l’ignorent encore. Pourtant, au fil des heures, leurs existences jusqu’alors étrangères vont se trouver imbriquées, fils disparates qu’une main invisible entrecroise et tisse pour former le motif poignant de cette journée au point d’ombre.